Une définition est donnée par Gérard CORNU, il s’agit des « dommages causés à un voisin (bruit, fumées, odeurs, ébranlement, etc.) qui, lorsqu’ils excèdent les inconvénients ordinaires du voisinage, sont jugés anormaux et obligent l’auteur du trouble à dédommager la victime, quand bien même ce trouble serait inhérent à une activité licite et qu’aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause. En posant ce principe, la jurisprudence a distinguée la théorie des troubles de voisinage de celle de l’abus de droit. (in Vocabulaire juridique, PUF, 2000).
Que faut-il entendre par ?« trouble excessif ?» ?
L’inconvénient supporté doit être excessif pour que le dommage soit indemnisable. ?« Le caractère excessif du préjudice doit s’apprécier compte tenu de toutes les circonstances du cas et notamment de sa permanence. Il est naturel que les voisins supportent mutuellement certain inconvénients inhérents à cette situation. Le tout est de trouver la norme de tolérance et, au-delà , le seuil de nuisance à partir duquel apparaît l’obligation de réparer. ?» (Gérard CORNU, Droit civil, t.1, Montchrestien, 1995, n°1104).
Naturellement, il faut comprendre qu’un dommage anormal est celui que les voisins n’ont pas l’habitude de subir dans un lieu donné et à une époque donnée.
Par exemple, la réduction du temps de soleil dans une cuisine, dont la durée varie nécessairement selon les saisons, constitue un inconvénient normal et prévisible de voisinage en zone urbaine d’habitat continu (CA Paris, 19e ch. A, 22 avril 1997, Juris-data, n°020965). Il en va également de la perte d’ensoleillement minime ne créant pas d’obscurité préjudiciable à l’habitabilité de l’immeuble voisin ou à l’exploitation d’un salon de coiffure (CA Toulouse, 1e ch. 10 mars 1997, Juris-data n°040801). Ou encore de l’ouverture de nouvelles vues ne causant aucun préjudice au voisin puisqu’elles donnent sur un simple parking qui donne lui-même sur la voie publique (CA Besanà§on, 13 mars 1997, Juris-data, n°041542).
Le juge considère que ?« le caractère anormal d’un trouble de voisinage doit s’apprécier in concreto en tenant compte des circonstances de lieu. ?» (CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 15, octobre 1996, Juris-data n°043712). Le juge considère également que ?« l’anormalité des troubles de voisinage s’apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu, tout en tenant compte de la perception ou de la tolérance des personnes qui s’en plaignent. ?» (CA Paris, 2e ch. B, 27 mars 1997, Juris-data n°020969).
On doit noter que le juge judiciaire est peu disposé à prendre en considération la prédisposition de la victime, telle qu’une hypersensibilité au bruit, des troubles psychosomatiques, ou allergie (CA Orléans, 18 décembre 1967, Gaz. Pal. 1968).
Le trouble dommageable est caractérisé par l’aggravation des embarras inhérents au voisinage, se traduisant en particulier par toutes dégradations des conditions de vie, ou de l’exploitation de son industrie, supportées par le demandeur, ou par tous désordres affectant le fonds voisin. Pour ce qui est des désordres frappant le fonds voisin, il est établi que le maître de l’ouvrage en est de droit responsable, qu’ils proviennent de l’exécution de travaux de bâtiment (Cass. 3e civ. 9 février 1971, Bull. civ. III, n°80) ou des conditions d’implantation d’une construction (CA Paris, 23e ch. A, 12 février 1997, Juris-data n°020228).
Le dommage peut être la conséquence de la seule implantation d’une construction (Cass. 3e civ. 30 septembre 1998, pour la perte d’ensoleillement affectant sept pièces de la maison voisine). Naturellement, l’altération des conditions de vie peut résultant de bien d’autres causes comme :
– la réduction d’ensoleillement (Cass. 3e civ. 3 juillet 1996, Juris-Data, n°002994) ;
– le bruit comme ceux des manifestations publicitaires d’un magasin à grande surface (Cass. 2e civ., 1er mars 1989, Resp. civ. et assur. 1989, comm. n°187) ;
– les opérations de livraison et de manutention d’un centre commercial (Cass. 2e civ. 15 janvier 1997, Resp. civ. et assur. 1997, comm. n°126) :
– l’exploitation d’un circuit de karting (Cass. 2e civ. 9 octobre 1996, JCP G 1996, IV, p.295) ;
– l’exploitation d’un ball-trap (Cass. 2e civ. 19 avril 1997, Resp. civ. et assur. 1997, comm. n°228) ;
– le fonctionnement d’une salle des fêtes (CA Orléans, 23 janvier 1997, Juris-data n°040330) ;
– l’exploitation d’une charcuterie industrielle (CA Rennes, 1e ch. A, 10 septembre 1996, Juris-data n°047409) ;
– l’exploitation d’un terrain de camping au-delà des normes autorisées (Cass. 2e civ. 27 mai 1999, Resp. civ. et assur. 1999, comm. n°261) ;
– les aboiements répétés de chiens (Cass. 2e civ. 28 mars 1968, Bull. Civ. II, n°102) :
– les odeurs de chevaux (Cass. 2e civ. 14 janvier 1999, Resp. civ. et assur. 1999, comm. n°68)
– les odeurs d’un poulailler (Cass. 2e civ. 18 juin 1997, Juris-data n°002938) ;
– les odeurs de le cuisine d’un restaurant (Cass. 3e civ. 22 mai 1997, JCP G 1997, IV, p.231)
– les odeurs et bruits d’un magasin de réparation de motos (Cass. 2e civ. 19 octobre 1994, Resp. civ. et assur. 1994, comm. n°407).