Une action en réparation peut être engagée à l’encontre du locataire, auteur du trouble (Cass. 3e civ. 28 février 1972, JCP G 1972, II, 17176), qu’elle soit fondée sur la faute, la garde de la chose ou plus généralement sur la responsabilité de plein droit du fait d’inconvénients excessifs de voisinage. Par un arrêt de principe du 30 juin 1998, le juge judiciaire a tranché en faveur d’une mise en cause du locataire sur le fondement de la théorie des troubles de voisinage. Les locataires (demandeurs en l’espèce) sollicitaient, de la part d’entrepreneurs intervenant sur le fonds voisin, l’indemnisation des désordres causés à leurs locaux par des injections de béton réalisés par un sous-traitant, lui-même assigné en réparation. Ce dernier, condamné à ce titre, faisait grief aux juges du fond de n’avoir ni précisé, ni justifié en qui il aurait commis une faute dans la mise en œuvre de la technique utilisée et avançait que « l’action en responsabilité pour troubles de voisinage provenant de travaux de construction n’est recevable qu’à l’encontre du maître de l’ouvrage. » Le pourvoi a été rejeté par le juge de cassation au motif que l’entreprise est responsable du trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage sans qu’il soit nécessaire de caractériser sa faute (Cass. 3e civ. 30 juin 1998, Bull. civ. III, n°144). Ainsi, la responsabilité quasi-délictuelle est exclue et la victime n’aura pas à prouver la faute de l’entrepreneur. Bien que celui-ci ne soit pas, normalement, le voisin de la victime, on peut retenir que c’est en travaillant chez un voisin qu’il a commis le trouble anormal et cet arrêt montre la volonté du juge judiciaire d’unifier la jurisprudence dans deux côtés du triangle unissant entre eux les trois acteurs de l’opération de construction litigieuse. Le propriétaire (le bailleur) est responsable des faits de son locataire. En effet, la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location peu demander réparation au propriétaire. Le juge judiciaire considère que si le trouble émane d’immeuble loué, la victime de ce trouble peut valablement s’adresser au propriétaire, qui dispose ensuite d’un recours contre son locataire lorsque les nuisances résultent d’un abus de jouissance ou d’un manquement aux obligations nées du bail (Cass. 2e civ. 8 juillet. 1987, Bull. civ. II, n°150). Responsable, le bailleur dispose d’un recours contre son locataire auteur du trouble. Le recours du bailleur ne peut cependant prospérer que si « les nuisances résultent d’un abus de jouissance ou d’un manquement aux obligations nées du bail » (CA Rouen, 23 octobre 1996, Juris-data n°048667). La responsabilité du maître d’ouvrage peut tout aussi bien est mise en cause. La jurisprudence estime qu’est justifiée la condamnation du maître d’ouvrage à réparer les dommages causés au fonds voisin alors que les travaux ont été réalisés par un tiers (Cass. 2e civ. 2 décembre 1982, bull. civ. II, n°160) ou que la faute imputée à l’entrepreneur ne saurait exonérer le propriétaire de la responsabilité lui incombant en cette qualité (Cass. 3e civ. 8 mai 1979, D. 1979, p.470). Indépendamment de toute faute, le maître d’ouvrage doit réparation à son voisin du préjudice occasionné par le trouble. Ainsi, un syndicat de copropriétaires, propriétaires actuels des biens où ont lieu les travaux, et l’entrepreneur, auteur de ces travaux, à l’origine des dommages, sont responsables de pleins droit des troubles excédants les inconvénients de voisinage constaté dans le fonds voisin (Cass. 3e civ. 11 mai 2000, Bull. civ. III, n°106). Les rapports entre maîtres d’ouvrage et constructeurs ont connu une jurisprudence incertaine, certaines décisions s’orientant vers la responsabilité contractuelle et d’autre affirmant que « les recours en garantie du maître de l’ouvrage contre les entrepreneurs, consécutifs aux dommages causés à l’immeuble voisin, doivent être fondés sur la responsabilité quasi-délictuelle » (Cass. 3e civ. 17 décembre 1997, Resp. civ. et assur. 1998, comm. n°119). Un nouvel arrêt de principe est venu trancher cette difficulté. En effet, au maître de l’ouvrage qui invoquait l’article 1384, al. 1er du Code civil à l’encontre de l’entrepreneur, le juge judiciaire répond qu’il est inapplicable en raison des liens contractuels qui l’unissent à ce dernier ; puis elle décide que celui-ci n’est pas responsable, aucune faute de sa part, quant à la conception ou au conseil, n’étant établie (Cass. 3e civ. 24 mars 1999, Resp. civ. et assur. 1999, comm. n°178). Le fondement contractuel du recours est nettement réaffirmé notamment dans un arrêt du 21 février 1999 aux termes duquel « l’entrepreneur et le maître d’ouvrage étant contractuellement liés, la cour d’appel a retenu, à bon droit, qu’il ne pesait sur l’entrepreneur aucune présomption de responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle. » (Cass. 3e civ. 21 février 1999, Resp. civ. et assur. 1999, comm. n°326). Il existe par ailleurs des responsabilités qui sont légalement définies. Il en va par exemple des compagnies aériennes. L’article L.141-2 du Code de l’aviation civile dispose ainsi que « l’exploitant d’un aéronef est responsable de plein droit des dommages causés par l’évolution de l’aéronef ou des objets qui s’en détacheraient aux personnes et aux biens situés à la surface. Cette responsabilité ne peut être atténuée ou écartée que par la preuve de la faute de la victime. » Les compagnies aériennes sont donc condamnées à indemniser les nuisances causées aux riverains des aéroports (Cass. 2e civ. 17 octobre 1984, bull. civ. II, n°154). L’exonération de responsabilité dont peuvent se prévaloir les compagnies aériennes (y compris l’exploitant de l’aéroport) est constituée par la « faute de la victime ». Cette faute consiste généralement dans le fait de s’être installé en connaissance de cause aux alentours d’un aéroport (Cass. 2e civ. 8 mai 1968, Bull. civ. II, n°122), ce qui s’apparente à la théorie de la « préoccupation » consacrée par la loi n°80-502 du 4 juillet 1980. Notons dans un tout autre domaine de la responsabilité qu’il a été crée un régime spécial pour l’indemnisation des dégâts causés aux récoltes par le gibier (D. 89-804 du 27 octobre 1989 et L. n°92-613 du 6 juillet 1992).
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