La question du fait de la victime, au sa prédisposition, se résume souvent à celle de savoir si la prétendue victime est autorisée à se plaindre de nuisances provenant d’un voisin installé antérieurement.
Il est vrai qu’on se demande dans quelle mesure il n’y a pas un abus, à accepter de venir s’établir aux abords d’un établissement bruyant ou malodorant, et venir ensuite se présenter en qualité de victime.
La jurisprudence judiciaire, différente de la jurisprudence administrative qui fait bénéficier les ouvrages publics du privilège de l’antériorité, considère qu’autoriser le premier occupant à fixer la destination d’un lieu et ç déterminer en conséquence ce qui est normal ou anormal reviendrait à consacrer la création d’une quasi-servitude d’urbanisme pour son propre bénéficiaire en violation de l’article 691 du Code civil qui veut que « les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes ne peuvent s’établir que par titre » (CA Caen, 5 septembre 1996, Juris-data n°044349).
La loi n°76-1285 du 31 décembre 1976 a inséré dans le Code de l’urbanisme l’article L.421-9. Par la suite, la loi du 4 juillet 1980 a transféré le contenu du Code de la construction et de l’habitation dans un article L.112-16 :
« Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. »
Ainsi, en matière agricole, industrielle, artisanale ou commerciale, la préoccupation individuelle institue une manière de « servitude d’intérêt économique » au bénéfice du premier occupant, sous condition qu’il respecte la réglementation afférente à son activité (CA Toulouse 4 novembre 1996, Juris-data n°045827, les bruits provenant du ventilateur d’une société de commerce de grains dont l’exploitation est antérieure à l’installation de la victime habitant à proximité ne sauraient constituer un trouble anormal de voisinage, dès lors qu’après la réalisation de travaux de mise en conformité du ventilateur lesdits bruits sont inférieurs au seuil admissible eu égard au bruit ambiant dans le secteur considéré).
L’immunité est acquise aux occupants déjà en place que si leurs activités se sont « poursuivies dans les mêmes conditions » (Cass. 3e civ. 27 avril 2000, Bull. civ. III, n°92, Resp. civ. et assur. 2000, comm. 231). Le trouble peut donc être retenu malgré l’antériorité de l’installation de l’entreprise si, postérieurement à l’acquisition ou la demande de permis de construire par le propriétaire voisin, l’activité a connu une transformation ou une augmentation telle que les nuisances d’origine se sont aggravées (Cass. 2e civ. 7 novembre 1990, Bull. civ. II, n°225).